L’enfance
Qu’ils étaient
doux ces jours de mon enfance
Où toujours
gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma
douce existence,
Sans songer au
lendemain.
Que me servait
que tant de connaissances
A mon esprit
vinssent donner l’essor,
On n’a pas
besoin des sciences,
Lorsque l’on
vit dans l’âge d’or !
Mon coeur encore
tendre et novice,
Ne connaissait
pas la noirceur,
De la vie en
cueillant les fleurs,
Je n’en
sentais pas les épines,
Et mes
caresses enfantines
Étaient pures
et sans aigreurs.
Croyais-je,
exempt de toute peine
Que, dans
notre vaste univers,
Tous les maux
sortis des enfers,
Avaient établi
leur domaine ?
Nous sommes
loin de l’heureux temps
Règne de
Saturne et de Rhée,
Où les vertus,
les fléaux des méchants,
Sur la terre
étaient adorées,
Car dans ces
heureuses contrées
Les hommes
étaient des enfants.
La Cousine
L’hiver a ses
plaisirs ; et souvent, le dimanche,
Quand un peu
de soleil jaunit la terre blanche,
Avec une
cousine on sort se promener…
– Et ne vous
faites pas attendre pour dîner,
Dit la mère.
Et quand on a bien, aux Tuileries,
Vu sous les
arbres noirs les toilettes fleuries,
La jeune fille
a froid… et vous fait observer
Que le
brouillard du soir commence à se lever.
Et l’on
revient, parlant du beau jour qu’on regrette,
Qui s’est
passé si vite… et de flamme discrète :
Et l’on sent
en rentrant, avec grand appétit,
Du bas de
l’escalier, – le dindon qui rôtit.
Chanson Gothique
Belle épousée,
J’aime tes
pleurs !
C’est la rosée
Qui sied aux
fleurs.
Les belles
choses
N’ont qu’un
printemps,
Semons de
roses
Les pas du
Temps !
Soit brune ou
blonde
Faut-il
choisir ?
Le Dieu du
monde,
C’est le
Plaisir.
La grand’mère
Voici trois
ans qu’est morte ma grand’mère,
La bonne
femme, – et, quand on l’enterra,
Parents, amis,
tout le monde pleura
D’une douleur
bien vraie et bien amère.
Moi seul
j’errais dans la maison, surpris
Plus que
chagrin ; et, comme j’étais proche
De son cercueil,
– quelqu’un me fit reproche
De voir cela
sans larmes et sans cris.
Douleur
bruyante est bien vite passée :
Depuis trois
ans, d’autres émotions,
Des biens, des
maux, – des révolutions, –
Ont dans les
murs sa mémoire effacée.
Moi seul j’y
songe, et la pleure souvent ;
Depuis trois
ans, par le temps prenant force,
Ainsi qu’un
nom gravé dans une écorce,
Son souvenir
se creuse plus avant !
Espagne
Mon doux pays
des Espagnes
Qui voudrait
fuir ton beau ciel,
Tes cités et
tes montagnes,
Et ton
printemps éternel ?
Ton air pur
qui nous enivre,
Tes jours,
moins beaux que tes nuits,
Tes champs, où
Dieu voudrait vivre
S’il quittait
son paradis.
Autrefois ta
souveraine,
L’Arabie, en
te fuyant,
Laissa sur ton
front de reine
Sa couronne
d’Orient !
Un écho redit
encore
À ton rivage
enchanté
L’antique
refrain du Maure :
Gloire, amour
et liberté !
El Desdichado
Je suis le
Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince
d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit
du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le
Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur
désolé,
Et la treille
où le Pampre à la Rose s’allie.
Suis-je Amour
ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est
rouge encor du baiser de la Reine ;
J’ai rêvé dans
la Grotte où nage la Sirène…
Et j’ai deux
fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour
à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de
la Sainte et les cris de la Fée.
Avril
Déjà les beaux
jours, – la poussière,
Un ciel d’azur
et de lumière,
Les murs
enflammés, les longs soirs ; –
Et rien de
vert : – à peine encore
Un reflet
rougeâtre décore
Les grands
arbres aux rameaux noirs !
Ce beau temps
me pèse et m’ennuie.
– Ce n’est
qu’après des jours de pluie
Que doit
surgir, en un tableau,
Le printemps
verdissant et rose,
Comme une
nymphe fraîche éclose
Qui,
souriante, sort de l’eau.
Une allée du
Luxembourg
Elle a passé,
la jeune fille
Vive et preste
comme un oiseau
À la main une
fleur qui brille,
À la bouche un
refrain nouveau.
C’est
peut-être la seule au monde
Dont le coeur
au mien répondrait,
Qui venant
dans ma nuit profonde
D’un seul
regard l’éclaircirait !
Mais non, – ma
jeunesse est finie …
Adieu, doux
rayon qui m’as lui, –
Parfum, jeune
fille, harmonie…
Le bonheur
passait, – il a fui !
Vers Dorés
Eh quoi! tout
est sensible.
Pythagore
Homme! libre
penseur! te crois-tu seul pensant
Dans ce monde
où la vie éclate en toute chose?
Des forces que
tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous
tes conseils l'univers est absent.
Respecte dans
la bête un esprit agissant:
Chaque fleur
est une âme à la Nature éclose;
Un mystère
d'amour dans le métal repose;
'Tout est
sensible!' Et tout sur ton être est puissant.
Crains, dans
le mur aveugle, un regard qui t'épie:
A la matière
même un verbe est attaché...
Ne la fais pas
servir à quelque usage impie!
Souvent dans
l'être obscur habite un Dieu caché;
Et, comme un
oeil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit
s'accroît sous l'écorce des pierres!
Les cydalises
Où sont nos
amoureuses?
Elles sont au
tombeau :
Elles sont
plus heureuses,
Dans un séjour
plus beau
Elles sont
près des anges,
Dans le fond
du ciel bleu,
Et chantent
les louanges
De la mère de
Dieu!
O blanche
fiancée!
0 jeune vierge
en fleur!
Amante
délaissée,
Que flétrit la
douleur!
L’éternité
profonde
Souriait dans
vos yeux…
Flambeaux
éteints du monde,
Rallumez-vous
aux cieux!
Fantaisie
Il est un air
pour qui je donnerais
Tout Rossini,
tout Mozart et tout Weber,
Un air très
vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi
seul a des charmes secrets.
Or, chaque
fois que je viens à l'entendre,
De deux cents
ans mon âme rajeunit:
C'est sous
Louis-Treize ... - Et je crois voir s'étendre
Un coteau vert
que le couchant jaunit;
Puis un
château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux
teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de
grands parcs, avec une rivière
Baignant ses
pieds, qui coule entre des fleurs.
Puis une dame
à sa haute fenêtre,
Blonde aux
yeux noirs, en ses habits ancients,
Que, dans une
autre existence peut-être,
J'ai déjà vue
- et dont je me souviens!
Sur le pays
des chimères
Sur le pays
des chimères
Notre vol
s’est arrêté :
Conduis-nous
en sûreté
Pour traverser
ces bruyères,
Ces rocs, ce
champ dévasté.
Vois ces
arbres qui se pressent
Se froisser
rapidement ;
Vois ces
roches qui s’abaissent
Trembler dans
leur fondement.
Partout le
vent souffle et crie !
Dans ces rocs,
avec furie,
Se mêlent
fleuve et ruisseau ;
J’entends là
le bruit de l’eau,
Si cher à la
rêverie !
Les soupirs,
les voeux flottants,
Ce qu’on
plaint, ce qu’on adore…
Et l’écho
résonne encore
Comme la voix
des vieux temps,
Ou hou ! chou
hou ! retentissent ;
Hérons et
hiboux gémissent,
Mêlant leur
triste chanson ;
On voit de
chaque buisson
Surgir
d’étranges racines ;
Maigres bras,
longues échines ;
Ventres
roulants et rampants ;
Parmi les
rocs, les ruines,
Fourmillent
vers et serpents.
À des noeuds
qui s’entrelacent
Chaque pas
vient s’accrocher !
Là des souris
vont et passent
Dans la mousse
du rocher.
Là des mouches
fugitives
Nous précèdent
par milliers,
Et
d’étincelles plus vives
Illuminent les
sentiers.
Mais faut-il à
cette place
Avancer ou
demeurer ?
Autour de nous
tout menace,
Tout s’émeut,
luit et grimace,
Pour frapper,
pour égarer ;
Arbres et rocs
sont perfides ;
Ces feux,
tremblants et rapides,
Brillent sans
nous éclairer !…
Pensée de
Byron
Élégie
Par mon amour
et ma constance,
J’avais cru
fléchir ta rigueur,
Et le souffle
de l’espérance
Avait pénétré
dans mon coeur ;
Mais le temps,
qu’en vain je prolonge,
M’a découvert
la vérité,
L’espérance a
fui comme un songe…
Et mon amour
seul m’est resté !
Il est resté
comme un abîme
Entre ma vie
et le bonheur,
Comme un mal
dont je suis victime,
Comme un poids
jeté sur mon coeur !
Pour fuir le
piège où je succombe,
Mes efforts
seraient superflus ;
Car l’homme a
le pied dans la tombe,
Quand l’espoir
ne le soutient plus.
J’aimais à
réveiller la lyre,
Et souvent,
plein de doux transports,
J’osais, ému
par le délire,
En tirer de
tendres accords.
Que de fois,
en versant des larmes,
J’ai chanté
tes divins attraits !
Mes accents
étaient pleins de charmes,
Car c’est toi
qui les inspirais.
Ce temps n’est
plus, et le délire
Ne vient plus
animer ma voix ;
Je ne trouve
point à ma lyre
Les sons
qu’elle avait autrefois.
Dans le
chagrin qui me dévore,
Je vois mes
beaux jours s’envoler ;
Si mon oeil
étincelle encore,
C’est qu’une
larme va couler !
Brisons la
coupe de la vie ;
Sa liqueur
n’est que du poison ;
Elle plaisait
à ma folie,
Mais elle
enivrait ma raison.
Trop longtemps
épris d’un vain songe,
Gloire ! amour
! vous eûtes mon coeur :
O Gloire ! tu
n’es qu’un mensonge ;
Amour ! tu
n’es point le bonheur !
Artémis
La Treizième
revient... C'est encor la première;
Et c'est
toujours la seule, — ou c'est le seul moment;
Car es-tu
reine, ô toi! la première ou dernière?
Es-tu roi, toi
le seul ou le dernier amant?...
Aimez qui vous
aima du berceau dans la bière;
Celle que
j'aimai seul m'aime encor tendrement:
C'est la mort
— ou la morte... O délice! ô tourment!
La rose
qu'elle tient, c'est la Rose trémière.
Sainte
napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au coeur
violet, fleur de sainte Gudule:
As-tu trouvé
ta croix dans le désert des cieux?
Roses
blanches, tombez! vous insultez nos dieux,
Tombez,
fantômes blancs, de votre ciel qui brûle:
— La sainte de
l'abîme est plus sainte à mes yeux!
Le
Christ Aux Oliviers
Dieu est mort!
le ciel est vide...
Pleurez!
enfants, vous n'avez plus de père!
Jean Paul
I
Quand le
Seigneur, levant au ciel ses maigres bras,
Sous les
arbres sacrés, comme font les poètes
Se fut
longtemps perdu dans ses douleurs muettes,
Et se jugea
trahi par des amis ingrats,
Il se tourna
vers ceux qui l'attendaient en bas
Rêvant d'être
des rois, des sages, des prophètes...
Mais
engourdis, perdus dans le sommeil des bêtes,
Et se prit à
crier: 'Non, Dieu n'existe pas!'
Ils dormaient.
'Mes amis, savez-vous la nouvelle?
J'ai touché de
mon front à la voûte éternelle;
Je suis
sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours!
Frères, je
vous trompais: Abîme! abîme! abîme!
Le dieu manque
à l'autel où je suis la victime...
Dieu n'est
pas! Dieu n'est plus!' Mais ils dormaient toujours!...
II
Il reprit:
'Tout est mort! J'ai parcouru les mondes;
Et j'ai perdu
mon vol dans leurs chemins lactés,
Aussi loin que
la vie, en ses veines fécondes,
Répand des
sables d'or et des flots argentés:
Partout le sol
désert côtoyé par des ondes,
Des
tourbillons confus d'océans agités...
Un souffle
vague émeut les sphères vagabondes,
Mais nul
esprit n'existe en ces immensités.
En cherchant
l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite
Vaste, noir.
et sans fond, d'où la nuit qui l'habite
Rayonne sur le
monde et s'épaissit toujours;
Un arc-en-ciel
étrange entoure ce puits sombre,
Seuil de
l'ancien chaos dont le néant est l'ombre,
Spirale
engloutissant les Mondes et les Jours!
III
Immobile
Destin, muette sentinelle,
Froide
Nécessité!... Hasard qui, t'avançant
Parmi les
mondes morts sous la neige éternelle,
Refroidis, par
degrés, l'univers pâlissant,
Sais-tu ce que
tu fais, puissance originelle,
De tes soleils
éteints, l'un l'autre se froissant...
Es-tu sûr de
transmettre une haleine immortelle,
Entre un monde
qui meurt et l'autre renaissant?...
O mon père!
est-ce toi que je sens en moi-même?
As-tu pouvoir
de vivre et de vaincre la mort?
Aurais-tu
succombé sous un dernier effort
De cet ange
des nuits que frappa l'anathème?...
Car je me sens
tout seul à pleurer et souffrir;
Hélas! et, si
je meurs, c'est que tout va mourir!'
IV
Nul
n'entendait gémir l'éternelle victime,
Livrant au
monde en vain tout son coeur épanché;
Mais prêt à
défaillir et sans force penché,
Il appela le
seul — éveillé dans Solyme:
'Judas! lui
cria-t-il, tu sais ce qu'on m'estime,
Hâte-toi de me
vendre, et finis ce marché:
Je suis
souffrant, ami! sur la terre couché...
Viens! ô toi
qui, du moins, as la force du crime!'
Mais Judas
s'en allait, mécontent et pensif,
Se trouvant
mal payé, plein d'un remords si vif
Qu'il lisait
ses noirceurs sur tous les murs écrites...
Enfin Pilate
seul, qui veillait pour César,
Sentant
quelque pitié, se tourna par hasard:
'Allez
chercher ce fou!' dit-il aux satellites.
V
C'était bien
lui, ce fou, cet insensé sublime...
Cet Icare
oublié qui remontait les cieux,
Ce Phaéton
perdu sous la foudre des dieux,
Ce bel Atys
meurtri que Cybèle ranime!
L'augure
interrogeait le flanc de la victime,
La terre
s'enivrait de ce sang précieux...
L'univers
étourdi penchait sur ses essieux,
Et l'Olympe un
instant chancela vers l'abîme.
'Réponds!
criait César à Jupiter Ammon,
Quel est ce
nouveau dieu qu'on impose à la terre?
Et si ce n'est
un dieu, c'est au moins un démon...'
Mais l'oracle
invoqué pour jamais dut se taire;
Un seul
pouvait au monde expliquer ce mystère:
— Celui qui
donna l'âme aux enfants du limon.
Mélodie
Quand le
plaisir brille en tes yeux
Pleins de
douceur et d’espérance,
Quand le
charme de l’existence
Embellit tes
traits gracieux, —
Bien souvent
alors je soupire
En songeant
que l’amer chagrin,
Aujourd’hui
loin de toi, peut t’atteindre demain,
Et de ta
bouche aimable effacer le sourire ;
Car le Temps,
tu le sais, entraîne sur ses pas
Les illusions
dissipées,
Et les yeux
refroidis, et les amis ingrats,
Et les espérances
trompées !
Mais
crois-moi, mon amour ! tous ces charmes naissants
Que je
contemple avec ivresse
S’ils
s’évanouissaient sous mes bras caressants,
Tu
conserverais ma tendresse !
Si tes
attraits étaient flétris,
Si tu perdais
ton doux sourire,
La grâce de
tes traits chéris
Et tout ce
qu’en toi l’on admire,
Va, mon cœur
n’est pas incertain :
De sa
sincérité tu pourrais tout attendre.
Et mon amour,
vainqueur du Temps et du Destin,
S’enlacerait à
toi, plus ardent et plus tendre !
Oui, si tous
tes attraits te quittaient aujourd’hui,
J’en gémirais
pour toi ; mais en ce cœur fidèle
Je trouverais
peut-être une douceur nouvelle,
Et, lorsque
loin de toi les amants auraient fui,
Chassant la
jalousie en tourments si féconde,
Une plus vive ardeur
me viendrait animer.
« Elle est
donc à moi seul, dirais-je, puisqu’au monde
Il ne reste
que moi qui puisse encor l’aimer ! »
Mais qu’osè-je
prévoir ? tandis que la jeunesse
T’entoure d’un
éclat, hélas ! bien passager,
Tu ne peux te
fier à toute la tendresse
D’un cœur en
qui le temps ne pourra rien changer.
Tu le
connaîtras mieux : s’accroissant d’âge en âge,
L’amour
constant ressemble à la fleur du soleil,
Qui rend à son
déclin, le soir, le même hommage
Dont elle a,
le matin, salué son réveil !
Le Réveil en
voiture
Voici ce que
je vis : Les arbres sur ma route
Fuyaient
mêlés, ainsi qu’une armée en déroute,
Et sous moi,
comme ému par les vents soulevés,
Le sol roulait
des flots de glèbe et de pavés !
Des clochers
conduisaient parmi les plaines vertes
Leurs hameaux
aux maisons de plâtre, recouvertes
En tuiles, qui
trottaient ainsi que des troupeaux
De moutons
blancs, marqués en rouge sur le dos !
Et les monts
enivrés chancelaient, – la rivière
Comme un
serpent boa, sur la vallée entière
Étendu,
s’élançait pour les entortiller…
— J’étais en
poste, moi, venant de m’éveiller !
Dans les bois
Au printemps
l’oiseau naît et chante :
N’avez-vous
pas ouï sa voix ?…
Elle est pure,
simple et touchante,
La voix de
l’oiseau – dans les bois !
L’été,
l’oiseau cherche l’oiselle ;
Il aime – et
n’aime qu’une fois !
Qu’il est
doux, paisible et fidèle,
Le nid de
l’oiseau – dans les bois !
Puis quand
vient l’automne brumeuse,
il se tait…
avant les temps froids.
Hélas !
qu’elle doit être heureuse
La mort de
l’oiseau – dans les bois !
Gaieté
Petit piqueton
de Mareuil,
Plus clairet
qu’un vin d’Argenteuil,
Que ta saveur
est souveraine !
Les Romains ne
t’ont pas compris
Lorsqu’habitant
l’ancien Paris
Ils te
préféraient le Surène.
Ta liqueur
rose, ô joli vin !
Semble faite
du sang divin
De quelque
nymphe bocagère ;
Tu perles au
bord désiré
D’un verre à
côtes, coloré
Par les
teintes de la fougère.
Tu me guéris
pendant l’été
De la soif
qu’un vin plus vanté
M’avait laissé
depuis la veille ;
Ton goût
suret, mais doux aussi,
Happant mon
palais épaissi,
Me rafraîchit
quand je m’éveille.
Eh quoi ! si
gai dès le matin,
Je foule d’un
pied incertain
Le sentier où
verdit ton pampre !…
– Et je n’ai
pas de Richelet
Pour finir ce
docte couplet…
Et trouver une
rime en ampre.
La Sérénade
— Oh ! quel
doux chant m’éveille ?
— Près de ton
lit je veille,
Ma fille ! et
n’entends rien…
Rendors-toi,
c’est chimère !
— J’entends
dehors, ma mère,
Un chœur
aérien !
— Ta fièvre va
renaître.
— Ces chants
de la fenêtre
Semblent
s’être approchés.
— Dors, pauvre
enfant malade,
Qui rêves
sérénade…
Les galants
sont couchés !
— Les hommes !
que m’importe ?
Un nuage
m’emporte…
Adieu le
monde, adieu !
Mère, ces sons
étranges
C’est le
concert des anges
Qui
m’appellent à Dieu !
Épitaphe
Il a vécu
tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour
amoureux insoucieux et tendre,
Tantôt sombre
et rêveur comme un triste Clitandre.
Un jour il
entendit qu’à sa porte on sonnait.
C’était la
Mort ! Alors il la pria d’attendre
Qu’il eût posé
le point à son dernier sonnet ;
Et puis sans
s’émouvoir, il s’en alla s’étendre
Au fond du
coffre froid où son corps frissonnait.
Il était
paresseux, à ce que dit l’histoire,
Il laissait
trop sécher l’encre dans l’écritoire.
Il voulait
tout savoir mais il n’a rien connu.
Et quand vint
le moment où, las de cette vie,
Un soir
d’hiver, enfin l’âme lui fut ravie,
Il s’en alla
disant : ” Pourquoi suis-je venu ? ”
Gérard
de Nerval (born in Paris on May 22, 1808) was the pen name of the French
writer, poet, and translator Gérard Labrunie; he is best known for his poems and novellas, especially the collection Les Filles du feu , which
included the novella Sylvie. He played a major role in introducing French
readers to the works of German Romantic authors, like Goethe, E.T.A. Hoffmann ,
and Heine . After a manic episode in 1841 that led to a diagnosis of insanity
and an extended hospitalization, he took the name Nerval.
Famous
for walking his pet lobster (named Thibault) about Paris, Nerval's eccentric
reputation as a flaneur and a poet established him as one of the original
bohemians. Increasingly poverty-stricken and disoriented, he committed suicide
during the night of 26 January 1855, by hanging himself from the bar of a
cellar window in the rue de la Vieille-Lanterne, a narrow lane in a squalid
section of Paris. The poet Charles
Baudelaire observed that Nerval had "delivered his soul in the darkest
street that he could find."
In his experimental poetry and prose, Nerval
explores the liminal spaces among imagination and reality and creativity and
madness while lucidly recording his experiences as a subject of 19th-century
psychiatry. His work can be seen as a connection between the movements of French
Romanticism and symbolism, and he was cited as an influence by Marcel Proust,
André Breton, Antonin Artaud, and T.S. Eliot, whose long poem “The Waste Land”
concludes with a quote by Nerval.
More Poems :
On Gérard de
Nerval, in English
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